On connaît tous l’aura mystérieuse – et parfois presque mystique – des pays slaves. On a tous été au moins une fois envoûté par l’âme slave très torturée et sans compromis. Moscou, capitale de l’ex-URSS et de la Fédération de Russie, une ville qu’il ne vaut mieux pas s’aventurer à visiter seul car non seulement c’est un vrai labyrinthe mais en plus elle n’est compréhensible qu’à travers ses codes : sociaux, culturels et tant d’autres bien moins inoffensifs.
Moscou, une ville dont personne n’aurait cru il y a seulement vingt ans qu’elle opérerait un changement aussi radical : ancienne capitale de l’Europe et du monde communiste, elle est devenue en un temps spectaculairement court la « géante capitaliste » et un haut lieu culturel très prisé par les amateurs d’histoire et de spectacles.
Mais cette ville sous ses airs paisible et moderne, n’a pourtant rien perdu de ses archaïsmes, de ses contradictions et de ses paradoxes, au contraires, ils sont encore – et plus que jamais selon les spécialistes – les piliers de la vie moscovite, et russe de manière générale. Car d’aussi importants changements ne se font pas du jour au lendemain et on ne change pas les mentalités en un simple claquement de doigts.



Palais présidentiel du Kremlin ♣ 24 avril 2004

Les élections venaient d’avoir lieu et le candidat sortant avait été rappelé aux fonctions par la population, presque d’une seule voix. Ce soir là, le président allait, comme il était d’usage après chaque élection, s’adresser à sa population. « … il est essentiel que nous nous acheminions vers une modernisation de la Russie, et pas seulement d’un point de vue économique, mais aussi social et politique. Le monde est en train de changer, et il est inenvisageable que notre pays n’en fasse pas de même car sans ces changements, nous serions toujours à la traîne dans la course internationale. »
Que des bons mots, ne dévoilant rien que des intentions honorables et nobles pour l’avenir du pays. « Il est inconcevable que des familles ne puissent pas, à notre époque, offrir à leurs enfants la possibilité d’aller à l’école, de grandir et se développer dans des conditions saines. C’est vrai nous avons encore des progrès à faire, mais c’est pour cette raison que vous avez choisi de me réélire. » Le visage fermé du président Lushenko s’éclaircit d’un léger sourire en coin en même temps qu’il prononçait les derniers mots de son allocution.

Périphérie de Moscou ♣ 16 octobre 2006

A la nuit tombée, la ville changeait de visage et son côté obscur reprenait le pas sur le ronronnement des moteurs de voitures de luxe qui rampaient dans les artères des quartiers chics. Après les heures de bureau, les trafics revenaient à la vie : prostitution, drogue, armes… Certains quartiers de la ville n’étaient tout simplement plus fréquentables et devenaient le théâtre de règlement de compte plus que musclés. Les bonnes paroles que le président avait prononcées lors de son discours semblaient déjà bien loin. Au quotidien, rien n’avait changé : les plus modestes n’avaient toujours pas accès aux soins les plus élémentaires, les plus riches ne cessaient d’étaler leur fortune, se vautrant dans des excès obscènes, la corruption demeurait le seul moyen rapide de grimper l’échelle sociale et la Mafia gagnait toujours plus de terrain. A ce titre, pour la seule année 2005, 40% des richesses du pays étaient entre les mains de la pègre.
Bienvenue à Moscou.

© Arya & Lady rose

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